COVID-19 et au-delà : Comment le réseau africain de données sur le genre peut aider à renforcer la capacité de collecte, d'utilisation et l'impact des données sur le genre
Par Meriem Ait Ouyahia, Consultante en genre, CEA
Date : octobre 2020
Grâce à des anecdotes, des évaluations rapides et d’autres sources de données limitées, il est devenu évident pour les organisations internationales et les partenaires de développement que la crise du COVID-19 a accru la vulnérabilité des femmes et creusé les inégalités existantes.
Pourtant, il est difficile de comprendre et d’aborder la nature unique de ces inégalités car il subsiste de grandes lacunes dans les données sur le genre - signe que la production et l’utilisation de données sur le genre en temps opportun et de qualité sont nécessaires.
Les bureaux nationaux de statistique en Afrique (ONS), qui sont les producteurs officiels de statistiques, n’ont pas été épargnés par les effets de la pandémie, ce qui rend encore plus difficile de répondre aux demandes de données ventilées par sexe plus nombreuses et de meilleure qualité.
Pour soutenir les ONS africaines dans 15 pays, la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) travaille en étroite collaboration avec Data2X et Open Data Watch depuis un an et demi pour lancer le réseau africain sur les données sur le genre (le Réseau). Le principal objectif du réseau est de: 1) élever le niveau de production de données sur le genre pour un meilleur lien avec la demande de ces données; 2) améliorer l'efficacité de la communication des et sur les données de genre et; 3) encourager l'utilisation des données sur le genre dans les pays participants.
Pour mieux comprendre l'impact de la pandémie sur les activités statistiques des pays du Réseau, la CEA a mené une brève enquête suivie d'entretiens à la fin de 2020. Dans l'ensemble, l'enquête a révélé que les 15 pays et leurs opérations statistiques ont été touchés par la pandémie - que ce soit modérément ou sévèrement.
L'enquête a également révélé que la demande de données en temps réel sur le genre pour la prise de décision a augmenté, avec des demandes d'intégrer une perspective de genre dans la compréhension des impacts socio-économiques du COVID-19, en plus des demandes de données sur des questions spécifiques de genre, tel que violence faite aux femmes, grossesse chez les adolescentes, mutilations génitales féminines et statistiques sur l’emploi non rémunéré durant la pandémie.
Alors que la demande accrue de données sur le genre est une évolution positive, le financement des ONS pour répondre à ces demandes a diminué à mesure que les fonds sont acheminés vers les mesures préventives liées au COVID-19 et les besoins de santé du personnel.
En conséquence, les ONS doivent innover et s'adapter rapidement à la situation en améliorant la production de données de genre et en développant l'utilisation et la diffusion des données qui existent déjà. Cependant, à mesure que de nouveaux défis sont apparus et que les anciens défis se sont intensifiés, l'enquête a révélé que la collecte de données de terrain en temps opportun et de qualité et l'accès aux données administratives relatives au genre ont été difficiles, et le manque de coordination entre les institutions gouvernementales continue d'être un obstacle majeur au progrès. En outre, plus de la moitié des membres ont également mentionné des obstacles à l'utilisation de nouvelles collectes de données innovantes pour produire et diffuser des données sur le genre.
Dans l'ensemble, la plupart des pays ont déclaré avoir besoin d'un soutien extérieur supplémentaire pour faire face aux défis posés par la pandémie. Parmi les appuis techniques nécessaires : renforcement des capacités sur les questions de genre au niveau des pays, analyse et communication des données de genre, concentration sur les enquêtes spécifiques au genre telles que les enquêtes sur la violence contre les femmes, ainsi que les enquêtes téléphoniques et en ligne pour collecter des données sur le genre.
Les résultats de l'enquête ont confirmé ce que l'on sait depuis longtemps : il faut davantage de données sur le genre et un investissement de fond à long terme dans les données sur le genre est nécessaire pour garantir qu'en temps de crise nous disposions des données nécessaires pour construire une reprise prenant en compte les différences dues au genre. La pandémie a rendu cet investissement fondamental plus difficile à ignorer.
Un élément positif qui s'est dégagé des défis de cette année est que les pays apprennent les uns des autres, échangent leurs connaissances et bonnes pratiques et explorent de nouvelles méthodes pour produire et utiliser des données.
Par exemple, le bureau de statistique du Ghana, avec le soutien de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), mène une enquête pilote sur la violence liée au genre en utilisant l'approche des données générées par les citoyens, impliquant de nombreux acteurs du système statistique (70+ personnes ) dans le processus de conception et de sélection de l’application. Il s'agit d'une nouvelle façon de collecter des données pour les ONS et constitue un bon exemple dont d'autres pays peuvent tirer des leçons.
Le Réseau est une jeune initiative qui s'est déjà avérée utile pour ses membres en leur donnant de la crédibilité et de la confiance pour sensibiliser à la production et à l'utilisation de données sur le genre au sein de leur organisation et des gouvernements de leur pays, ainsi qu'aux niveaux régional et international. Il a initié de précieuses conversations et un partage des connaissances entre les pays, contribuant à créer un fort sentiment de communauté parmi les membres qui l'apprécient comme une source vers laquelle se tourner en cas de besoin.
Le réseau devra maintenir ce soutien aux membres dans le contexte post-COVID-19 en continuant à les connecter avec la communauté plus large des données sur le genre par le biais d'événements en ligne et de webinaires, favoriser une communication régulière pour s'assurer que leurs besoins sont satisfaits en permettant le renforcement des capacités, l’accès à l'expertise sur les données de genre, et la facilitation de l'apprentissage transnational, et identifier les opportunités de réponses à court et à long terme aux défis existants qui ont été amplifiés par la pandémie.